[Stamp from Ajman State]

 

 

Nohant, 6 janvier 1837

 

Les astres, sont voilés, la neige tombe, la terre se couvre en silence de son linceul.   Mon âme est triste comme la nuit et comme l’hiver.  Mes espérances se sont évanouies ; mai vie se traîne avec indifférence vers un but fortuit dont je ne me soucie pas et que je n’ai même pas envie de savoir. Que m’importe le temps qu’il fera demain !  Ma chambre est bien close ; je ne souffre de rien ; mon cœur est mort.  Nul bonheur ne viendra me visiter  ;  le soir ressemble au matin, le lendemain à la veille.  Quand me sera-t-il permis de m’endormir dans le sein de Dieu ?  Je ne sens plus ici-bas que fatigue, découragement, regret de ce qui n’a pas été, de ce qui ne sera pas.  Mon fils va bien aujourd’hui, demain peut-être il sera mal.  Je dois le soigner.  Mais s’il meurt, sera-ce un malheur pour lui ? en sera-ce un pour moi si je recouvre alors le droit de mourir aussi ?

Il n’y a qu’une réalité, qu’une certitude :  C’est que je t’aime, Michel.

 

 

 

 

[Stamp from Ajman State]

 

Nohant, 1 mai 1837    

 

Il est sept heures du matin.  Je ne suis pas encore couchée.  Je passe les nuits à l'ouvrage, afin de pouvoir passer les jours avec toi.  Demain soir je te verrai !  Et comme si le ciel, en guerre avec la terre, ne s'humanisait que pour nos amours, le temps est magnifique aujourd'hui, pour la première fois depuis d'interminables orages.  La couleur renaît avec le soleil; la verdure, enveloppée dans les brouillards, éclate ce matin comme si elle était née cette nuit.  Les rossignols chantent à gorge déployée.  Jamais il n'y en eut tant dans mon jardin que cette année.  L'horizon est pur, l'air est doux, les parfums montent.  Je vais te voir ! Je vais à toi pleine de tristesse et d'amour, sûre du présent  et non du lendemain, dévorée, dévorée par toi! 

 

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